Quatrième étage. Bâtiment A. Chambre 403.
Jean-Claude
Est-ce une chambre ou un atelier ? Sur la table collée contre un des murs (en face c’est le lit, juste la place de passer entre les deux) il a fixé un petit étau. Il est train de transformer des cuillères en cuillères. Autrement dit : il perce et peint avec du vernis rouge des petites cuillères à café pour s’en servir à la pêche. On m’a toujours dit que j’avais de l’or dans les mains ! Et de fait : il est prêt à vous faire faire tout le tour de la région pour vous montrer les charpentes qu’il a réalisées pour de très nombreuses maisons. A dix-sept ans, il était arpète. Le père était maçon, tailleur de pierre...
Mais son problème, comme il dit, c’est d’être un drôle de loustic. Excellent ouvrier, mais sale caractère. J’avais tout du toupet, il dit. Chez Leroux, il arrive quand même à fêter ses 15 ans de métier (il y a une photo, au mur, qui le rappelle : le patron, la fille du patron, d’autres ouvriers, le patron les a invités au restaurant pour l’occasion). Mais son caractère lui joue des tours. Il quitte Leroux sur un coup de colère. Il travaille au coup par coup, un chantier par ci, un chantier par là. La plupart du temps pas déclaré. Il accompagne les tournées de concert d’un ami chanteur. Il l’aide à retaper un vieux moulin qu’il a acheté. Ils refont tout. De la cour, jusqu’à la couverture. Sa femme l’a quittée. Il s’est installé chez sa sœur où il profite d’un atelier de 120 m2 pour restaurer des meubles, il en fabrique aussi, il a tout le matériel qu’il faut, une machine à bois. Mais là aussi, son " caractère ". Il s’en va. Laisse sa sœur et l’atelier. C’est la dégringolade. Sans domicile. Il atterrit au Foyer de l’Etape. Réussit peu à peu à remonter la pente. Seul. En 1998, il s’installe au foyer Sonacotra...

 

Olivier Pasquiers, photographe, membre de l'association "le bar Floréal. photographie"