Bâtiment
A. Deuxième étage. Chambre 219.
Louis a une chambre double. Deux anciennes chambres entre lesquelles on
a fait tomber la cloison. Même si pour les toilettes, c’est
toujours sur le palier. Ça donne quand même plus de place,
de quoi mettre un grand lit. Et lorsque ses petits enfant viennent le voir,
ils peuvent bouger, s’amuser. Sur le mur, il y a tout un panneau de
photos, où on les voit à tous les âges, photos d’école
ou en habits folkloriques portugais (qu’ils ne sont pas !), tous mis
sous la protection de la guirlande d’un grand chapelet blanc comme
on en achète à Lourdes. Présence de Lourdes. Sur un
autre mur c’est le tissus d’une bannière de procession.
Souvenir de pèlerinage. La vie est dure. Louis doit se dire qu’à
la Dame de Lourdes, au moins, on peut lui faire confiance.
Il habite là depuis dix ans. 1996. Date de son licenciement de la
SOGECA, Société générale de cataphorèse,
sise à Méru. Il y a travaillé six ans. Son fils, aussi,
qu’il avait réussi à faire embaucher. Mais il n’est
pas resté longtemps. Louis était responsable de chaîne.
Des pièces pour l’automobile (ressorts, carters, barres de
torsion) qui défilaient accrochées à une chaîne
et qu’il fallait plonger successivement dans un bain de dégraissage,
un bain de lavage, un bain de rinçage, puis de " cataphorèse
", peinture par électrification, après la pièce
passait dans le four. On voyait bien que l’entreprise ne faisait pas
les transformations nécessaires. Ou bien c’était seulement
du vieux sur du vieux. Du jour au lendemain, ça a fermé. Tout
le monde mis dehors. Aujourd’hui ce ne sont plus que des travées
à l’abandon. Un crève-cœur...