Chambre 520. Cinquième étage. Bâtiment A.
Moussa Diop a fini sa nuit de travail. Un collègue l’a ramené en voiture. Ils sont dans le même atelier. Depuis trente sept ans Moussa travaille dans la même usine. Autrefois Keller. Aujourd’hui Rieter. A La-Chapelle-aux-pots à une vingtaine de kilomètres de Beauvais. En pleine campagne. Vieux site de travail céramique. Toutes sortes de pièces d’isolation et de garniture pour l’automobile. Machines de coupe. Ramassage des pièces. Palette. Transpalette. Depuis le temps, il a été un peu sur tous les postes. Mais toujours la nuit. Il vaut mieux gagner plus que gagner moins, non ? C’est quand même pour ça qu’on est venu ! Il n’a pas vraiment eu le choix. Un jour, son père a entendu dire que De Gaulle avait déclaré que tous les Sénégalais en âge de travailler pouvaient venir en France. Il a vingt-cinq ans. Habite Dakar. Travaille comme chauffeur de taxi. Il n’a aucune envie de venir mais la parole du père est indiscutable. Le père a été soldat dans l’armée française. Huit ans à Lyon. Quand il est revenu au pays, il n’a pas voulu s’engager dans la gendarmerie sénégalaise comme il en avait la possibilité. C’est la mère qui a dû nourrir la famille en vendant des cacahuètes grillées sur le port...

 

Olivier Pasquiers, photographe, membre de l'association "le bar Floréal. photographie"