Appartement
526. Bâtiment B. Cinquième étage.
Daniel Roblique est en train de faire des mots-croisés. Un de ses passe-temps.
Pas grand chose à faire sinon passer le temps. Parfois il va au cimetière
entretenir la tombe de ses parents. Ou bien faire du bricolage chez des personnes
âgées qu’il a connu lorsqu’il était à
Emmaüs. Mais depuis 2004, il est au chômage. Ça n’a
pas toujours été comme ça. Il avait à peine seize
ans, en 1972, lorsqu’il est entré à la raffinerie de sucre
de Bresle. La famille habitait le village. Le père ouvrier chez Kühlman.
Il y avait trois frères et deux sœurs. Il fallait aider les parents.
Les deux grands silos de la raffinerie Béguin-Say sont en construction.
Il n’y a qu’à traverser la rue. Pendant huit mois, Daniel
travaille avec les femmes au conditionnement, démoulage du sucre à
la main, cadences à tenir, 63 moules à démouler en huit
heures. Puis on le prend en apprentissage à la sucrerie. Aide mécanicien.
A la production, le travail est saisonnier. Mais pour l’entretien des
machines, les pompes, les réducteurs, c’est toute l’année.
Après chaque campagne, on démonte, on répare, on entretient.
Faudrait pas que ça casse en pleine production. En 1975, Daniel se
marie. Trois enfants. Dont un qui est invalide. Il habite une maison qui appartient
à Beghin-Say. Vie d’ouvrier. Avec ses joies et ses peines. Il
se sépare de sa femme. En 1989, l’usine ferme. PLus de travail,
plus de logement. La galère commence. Il se fait embaucher par des
forains. Manèges. Stand de tir. Toutes les fêtes de l’Oise.
Il vit dans un camping-car. Une vie difficile. Pour en changer, il fait une
formation d’ajusteur. Stage AFPA. Part à Bègles. Mais
il n’a pas de moyen de transport pour répondre aux propositions
de travail. Il revient à Beauvais. Retrouve les forains. Il a de plus
en plus de mal à porter les sujets de manège. Il arrête.
Loge dans un foyer d’hébergement. Puis, en 1997, c’est
une chambre au foyer Sonacotra...