Olivier Pasquiers, photographe, membre de l'association "le bar Floréal. photographie"

Les Oubliés de guerre
Des anciens combattants marocains de l'armée française


À la guerre, toujours devant, pour la pension, toujours derrière.
N.M, ancien combattant marocain

Ils sont une trentaine d'anciens combattants marocains de l'armée française à résider dans les deux foyers SONACOTRA de Beauvais. Âgés de soixante-dix à plus de quatre-vingts ans, ils sont arrivés en France à partir de 1999. Pour la plupart, c'est la première fois qu'ils y viennent. Certains sont arrivés au cours des derniers mois.
Les raisons de leur venue tiennent en quelques chiffres, en quelques dates.
26 décembre 1959, suite à la décolonisation des pays de l'Union française, une loi gèle les pensions et retraites des anciens combattants originaires de ces pays. Ils recevront désormais une indemnité non indexable sur le coût de la vie et non réversible à leur femme ou leurs enfants. On estime à 85 000 le nombre de ces anciens combattants toujours vivants. Parmi eux : 17 000 Marocains. Pour une retraite de combattant à taux plein, un Français touche approximativement, en 2004, un minimum de 420 euros, un Sénégalais 140, un Marocain 40 euros.
Le 30 décembre 2001, sur la requête d'Amadou Diop, un ancien sergent-chef sénégalais, le Conseil d'Etat juge que cet état de fait viole la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et constitue une discrimination illégale. Une mesure a été proposée de revalorisation en fonction du coût de la vie du pays d'origine. Ce qui, pour les marocains, porterait la pension à environ 76 euros. La mesure n'a toujours pas été votée.
Mais depuis quelques années, par le biais d'associations ou par relations, les anciens combattants étrangers de l'armée française (surtout marocains), ont pris conscience qu'ils pouvaient profiter de certains dispositifs de la législation française.
Dès les années 60, la carte de résident de dix ans a été attribuée d'office aux détenteurs de la carte du combattant. Cela aura des conséquences lorsque, en 1989, le gouvernement Rocard créera le RMI auquel tout résident en France peut prétendre sous condition d'y avoir une adresse et de pouvoir répondre aux convocations trimestrielles. Le montant du RMI est alors d'environ 2500 F. Les premiers anciens combattants marocains arrivent à Bordeaux où se trouvent les archives militaires des unités marocaines. Pour restreindre le flux, les anciens combattants sont soumis à une obtention de visa par la voix "normale".
En 1998, la loi Chevènement, par souci d'égalité entre les anciens travailleurs français et étrangers, ouvre à ces derniers la possibilité de bénéficier du minimum vieillesse dont le montant (590 €) est largement supérieur à celui du RMI (450 €). L'attribution de cette prestation dépend d'une résidence en France d'au moins neuf mois sur douze. Malgré la difficulté croissante d'obtention des visas et les contrôles stricts des documents d'hébergement, on estime les nouvelles arrivées à environ une vingtaine par mois.
De l'ordre de cinq cents en 1996, les anciens combattants marocains résidant en France seraient aujourd'hui environ 2000. Un "dispositif d'accueil primo-arrivant" est créé qui prend en charge les nouveaux arrivants et les disperse à travers la France dans les différents foyers de la Sonacotra.
Le 13 octobre 1999, le député Claude Goasguen a déposé un projet de loi visant à "l'attribution du minimum vieillesse dans leur pays aux anciens combattants de l'Union française". Ce projet n'a jamais connu de suite.
Sources : "Le Monde" 11 novembre 1996, 24 septembre 1999;
"Plein Droit" mars 2003, Gisti novembre 2004