OMAR MOUJAHID


Omar fils d'Ali fils d'Ali
de Ait Sidi Larbi
dans la région de Mrirt
ne se fit pas prier
lorsque l'officier recruteur
passa dans le village
Omar fils d'Ali fils d'Ali
aimait la bagarre
depuis toujours il voulait
être soldat
il avait à peine dix neuf ans
il se rendit à Mrirt
fut envoyé à Meknes
le 21 novembre 1952
il s'engagea
1er Régiment de Tirailleurs Marocains
six mois après
il était déjà sur le bateau
le Pasteur
Oran
Haïphong
comme le autres
et à peine les armes distribuées
mitrailleuses 24/29
il est tireur
envoyé en opération
vingt-deux hommes perdus
aux premiers engagements
Lam Dinh
Ninh Binh
Thai Binh
les attaques sont nombreuses
les accrochages
les morts
avec des Légionnaires
des Algériens
ils forment le 1er Groupement Mobile
envoyé au Laos
et de là
en renfort
pour Dien Bien Phu assiégé
on les arrête en chemin
s'ils y vont
ils y resteront comme les autres
c'est trop tard
ils se retirent au Laos
embuscades encore
encerclés
rations et munitions parachutées
et les amis qui restent là
celui qu'on appelait Chef
celui qu'on appelait Meknesi
lui, son surnom c'était Zouket
on disait qu'il était aussi malin
que les Zoukets (les Viet-Minhs)
cette fois-là c'est l'aviation
qui les dégage
il s'en sort
c'est la fin
l'armistice
trois mois de repos
et le retour
avec un bâtiment U.S
le Skougoum
jusqu'à Casablanca
janvier 1954
au bout d'un an
il est libéré
retour au civil
à la montagne
à rien
l'envie de bagarre a disparu
mais il s'est habitué à l'armée
Omar fils d'Ali fils d'Ali
se réeengage
dans l'Armée Royale Marocaine
il y reste vingt-deux ans
et six mois
trois au ans au Sahara
il est sergent
guerre difficile comme en Indochine
mais l'armement est de plus en plus
puissant, dangereux
il se retire dans son village
avec les cent euros
de pension
de l'Armée Marocaine
avec
les vingt et quelques euros
de la pension
de l'Armée Française
pas beaucoup pour faire vivre
la famille
six enfants
même si un fils
à son tour est militaire
dans l'Armée Royale Marocaine
pas beaucoup
alors il repart
quand il apprend qu'avec la carte
du combattant on peut obtenir
une pension
Omar fils d'Ali fils d'Ali
repart
la valise
le sac
comme quand il était soldat
ici il touchera cinq fois plus
à simplement être là
vivre là
mourir là s'il le faut
mais la vie est très chère ici
le loyer
la nourriture
difficile d'envoyer beaucoup
ça fond entre les mains
il envoie ce qu'il reste
mais pour là-bas
c'est mieux que rien
il fait contre mauvaise fortune
bon coeur
il est content d'être venu
mais lorsque El Aïdia son épouse
meurt
si loin de lui
c'est la tristesse
le désespoir
une autre fois
ce sera son tour
pourvu que ce ne soit pas
ici
alors il faut qu'ils le sachent
Mohamed
Ali
Khalid
El Mostafa
El Khattab
Brahim
fils
et filles de
Omar fils d'Ali fils d'Ali
qu'ils se souviennent
et racontent à leurs enfants
ce que fut
la dure vie d'homme
et de soldat
de leur père.

 

Olivier Pasquiers, photographe, membre de l'association "le bar Floréal. photographie"