Chambre
602. Sixième étage. Bâtiment A.
Sy Sidi Daouda se prépare à sortir. Il doit aller passer un
IRM pour ses jambes dont il souffre beaucoup. Il arrive difficilement à
marcher. Et si malgré son grand âge – il est l’un
des doyens du foyer – il ne rentre pas chez lui, c’est à
cause de cette maladie. Comment pourrait-il se faire soigner à Salka,
son village de Mauritanie, à plusieurs centaines de kilomètres
de la capitale Nouakchot ? Sy Sidi Daouda est né en 1938. A seize ans,
il quittait son village d’éleveurs de vaches pour aller tenter
sa chance à Dakar. Il n’y reste pas longtemps. Un copain lui
parle de la France. De l’argent qu’on peut gagner si on y va.
Il part. Débarque à Cachan où il travaille dans usine
de traitement de peaux (manière de rester encore au contact des vaches
?). Mais au bout d’un an et demi, il rentre. Mal du pays. L’âge
de se marier. Jusqu’à ce que les raisons qui l’avaient
fait partir une première fois se révèlent encore plus
exigeantes. Maintenant il a femme et enfant. Alors il repart. Une usine de
médicament à Paris, Porte de Versailles. Lorsqu’il arrive
dans la région de Beauvais, en 1966, c’est pour travailler à
la fonderie de Meru. Dès qu’il peut, il fait venir sa femme.
Une fille. Un fils. Un logement à Meru. Mais il divorce. En 1977 il
vient habiter au foyer. Se femme et ses enfants restent à Meru. A cause
d’un accident de travail, il quitte la fonderie. Dans l’atelier
de tréfilerie, une botte de fil a sauté de son dévidoir
et lui est tombée dessus. de là sa blessure à la jambe.
Il passe pluisuers mois en rééducation. Puis retrouve un emploi
chez Allibert, toujours à Meru. Pendant vingt-deux ans il fait les
aller-retours Beauvais-Meru avec le bus de l’usine. De tout ça,
dans sa chambre, il ne reste pas grand chose. Hormis, bien sûr, les
cannes anglaises dont il a besoin pour marcher...