Appartement
028. Rez-de-chaussée. Bâtiment B.
Au mur du studio, Bernard Deschamps a punaisé des photos de son fils.
Sébastien à la maternelle. Sébastien à l’école
primaire. Sébastien en classe de neige. Sébastien à la
plage. Beau sourire blond. Mais aujourd’hui ce fils vient d’être
papa d’une petite fille. Il revient de loin, dit Bernard. A dix-huit
ans, il a eu un grave accident. Trépané. Difficultés
à retrouver toutes ses facultés. Que des misères ! dit
Bernard. Comme si, pour lui, tout s’était effondré au
cours de cette année 1999. Dépression. Perte du travail. Depuis
vingt cinq ans il travaille chez Massey-Fregusson. Agent de fabrication. Assemblage
des pédaliers, des tableaux de bord. Les colonnes de direction assistée,
aussi. Pendant cinq ans à l’usinage des pignons, précision
au micron. Beauvais est le centre d’assemblage des tracteurs. Les cabines
arrivent d’Italie. Les moteurs, de Grande-Bretagne. Les faisceaux électriques,
du Japon. Les ponts, d’une usine du nord de la France. Quand le tracteur
sort de l’usine, il est prêt à être vendu. J’étais
un bon ouvrier, dit Bernard. OS 1. OS 2 . OS 3. P1. Puis c’est la dégringolade.
Séparé de sa femme. Surendetté. Sa chance c’est
de rencontrer l’association Réactif. Qui l’aide. Lui trouve
une chambre au foyer. Puis ce studio depuis 2002. Vie tranquille, maintenant.
Ménage le matin. Un petit tour en ville. Son dada, c’est le papier
peint. Donner des coups de main quand il faut refaire une pièce. Mais
en 2005 il a dû être opéré d’un cancer au
poumon. Hôtel-Dieu à Paris. Un mois de coma. Il s’en sort.
Affaibli mais vivant...